Mon expérience personnelle avec Tomb Raider ne date pas d’hier. Fidèle aux premiers titres sur Playstation, j’avoue avoir un peu perdu le fil après le troisième épisode (1998) et les multiples épisodes sortis sur différentes plateformes. Une certaine forme de lassitude s’était installée à force de répétition et de déjà-vu par ci, par là, avec des opus plus ou moins fades et sans saveur. Le reboot de la série (prévu en 3 épisodes) initié en 2013 par Crystal Dynamic et Square Enix amènera son lot de fraîcheur et de dynamisme et apportera un changement radical sur le personnage principal, Lara Croft. Exit le sex symbol au physique stéréotypé et à l’allure de superstar. Place à une Lara plus jeune, au physique plus naturel et fragile, tout comme sa personnalité. Un personnage plus humain qui la rapprochera du joueur, devenu plus sensible et empathique envers elle. Après un excellent Tomb Raider et un Rise of the Tomb Raider rythmé par un savant mélange d’action et un retour aux sources originelles axé sur l’exploration , le tout basé sur un scénario de dingue, le troisième et dernier épisode de cette trilogie embarque l’exploratrice britannique dans la jungle péruvienne afin d’explorer des temples mayas et empêcher un cataclysme planétaire qui causera la fin du monde, rien que ça. Histoire de conclure la série en beauté?
C’est avec ce teaser, lancé en Mars 2018, que Square Enix annonçait quasi-officiellement le titre de son nouveau bébé. Plus sombre et plus rythmé que jamais, on y voit Lara se lancer corps et âme dans une jungle noire avant de finir sa course devant une pyramide inca de l’ère précolombienne.
Si le précédent épisode était l’oeuvre de Crystal Dynamics, le développement de Shadow of the Tomb Raider a été confié, cette fois ci, au studio canadien de Eidos Interactive. En collaboration étroite, les deux studios partent néanmoins sur des bases sûres, tant au niveau du scénario du jeu que de son gameplay. Les développeurs sont en terrain connu et ont du savoir faire à revendre. La question que l’on se posait est si cet épisode serait une véritable révolution ou une simple suite identique à son prédécesseur.
Tomb Raider Begins
C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Le dicton est vieux, certes, mais logique si vous souhaitez assurer et conforter le succès d’un titre comme Tomb Raider. Dès les premières vidéos et images révélées par les studios de développement, l’accent est placé sur l’exploration. L’essence même de la licence Tomb Raider, avant même son personnage principal. L’aventure ici prendra place en Amérique du Sud. Du Mexique pour commencer jusque dans la jungle péruvienne où Lara continuera à traquer les Trinitaires, farouches chercheurs d’artéfacts mystiques et responsables de la mort de Richard Croft, son paternel. C’est d’ailleurs en les empêchant de s’emparer de l’une de ses reliques, une dague Maya sacrée, que Lara déclenchera sans le vouloir la mort du Soleil et sonnera l’Apocalypse. Le début d’une série de cataclysmes naturels provoquant mort et désolation dans le monde.
Accompagné de son fidèle compagnon, Jonah, Lara devra s’engouffrer et parcourir la jungle péruvienne et les nombreux tombeaux mayas abandonnés pour essayer de rétablir ce qui peut encore l’être.
Dès les premières minutes de jeu, c’est une véritable claque rétinienne. La jungle hostile et dangereuse fourmille de détails. C’est beau. Tellement beau que je me surprends de temps en temps à admirer les environnements aquatiques et terrestres qui entourent Lara, en tant que simple observateur pendant de longues minutes. Les amateurs de faunes et flores luxurieuses vont pouvoir s’en donner à coeur joie dans cet épisode, d’autant qu’un mode Photographe permettra aux joueurs les plus créatifs et les apprentis photographes en herbe de customiser leurs clichés au cours du jeu. À titre personnel, je pense avoir pris plus de temps dans ce mode que dans le scénario du jeu. C’est donc un véritable retour aux sources qui ont fait le succès de Tomb Raider auquel nous assistons. Les phases d’explorations sont beaucoup plus importantes et amèneront le joueur à visiter différents endroits locaux dans le jeu. Entre une jungle luxurieuse, humide, étouffante et hostile, des fonds sous-marins ici-bas riches en secrets et des villages vivants et animés grâce à sa population locale, il y’a là de quoi s’occuper allègrement.
Un semi open-world prenant et captivant
Et justement, pour justifier une durée de vie tout à fait honorable pour ce genre de jeu, Lara devra passer par deux hubs géants: le village de Kuwaq Yaku et la cité cachée de Païtiti. En parcourant ces lieux dynamiques, divisés en plusieurs petits quartiers, vous côtoierez la population locale où chacun de ses habitants vaque a son propre petit train-train quotidien. Ceux-ci seront à même de vous confier quelques petites anecdotes sur l’histoire du village ou de la cité, leurs propres vécu personnels et pour certains d’entre eux vous confieront des quêtes secondaires à ne pas négliger pour les amateurs de récompenses. Des commerçants locaux permettront à Lara d’acquérir de nouveaux équipements (armes, tenues et autres améliorations pour crafter son matériel) et ainsi débloquer l’accès à certaines zones du jeu. Le tout est relativement bien animé et permet de compenser avec les longues épreuves en solitaire, livré à soi-même dans certains tombeaux.
Lara Croft Origins
Fini la jeune fille frêle et fragile qui peinait à se fondre dans les environnements hostiles et qui n’était pas assez mûre ou prête psychologiquement pour ce type d’aventures. La jeune archéologue est ici plus aguerrie, plus expérimentée et déterminée. Sa métamorphose, depuis le reboot de la série se trouvera essentiellement dans la manière d’interagir avec son environnement. Outre les phases d’explorations, les phases de combats avec ses ennemis pousseront Lara à opter pour deux types d’approches: la manière brutale et frontale ou, et c’est une nouveauté, la manière plus discrète, façon Solid Snake pour maitriser ses ennemis en toute discrétion. Se mouvoir dans la flore entre les herbes hautes, tel un caméléon, se couvrir de boue, pour ne faire plus qu’un avec les terres humides et la végétation de la jungle suffocante, attirer les ennemis dans des endroits isolés avec un leurre (bouteilles etc) pour diviser un groupe et les éliminer en dehors de leurs champs de vision… Une nouvelle approche stratégique, qui permettra, aux plus sages et les plus tacticiens d’entre vous d’éliminer sans se faire repérer.
Pour se faire, Lara dispose de plusieurs cordes à son arc. Ça tombe bien, l’arc sera ici sa principale arme dès le début du jeu. Les flèches utilisées, qu’elles soient classiques, enflammées ou empoisonnées permettront de varier votre façon d’amorcer une phase de combat plus ou moins rapprochée. En touchant un des Trinitaires avec une flèche empoisonnée, celui-ci pourra se retourner contre ses propres équipiers et leur faire mordre la poussière sans aucune intervention de votre part. Ingénieux, redoutable et terriblement efficace, un véritable petit plaisir. Les armes à feu et de poings seront également de la partie bien évidemment, idéales pour les brutes épaisses sanguinaires qui ne jurent que par la force. Fusil d’assaut, fusil à pompe ou arme de courte portée, il y’aura de quoi faire si la discrétion n’est pas votre point fort.
En fonction des éléments récoltés au cours du jeu, les armes de poings, armes blanches et arc pourront être fabriqués et améliorés pour augmenter leur efficacité. Ici aussi, tout dépendra de la manière dont vous souhaitez appréhender le jeu: la manière douce ou la manière forte. Il sera inutile de crafter au maximum vos armes à feu, si vous optez pour un jeu essentiellement orienté pour des phases de combats furtives. De plus, les armes de bases, sans améliorations particulières, en général, feront largement l’affaire. Surtout lorsque l’intelligence artificielle des ennemis, frôle parfois le néant. Prenez un groupe de deux soldats trinitaires, séparés de trois mètres, en pleine conversation. Tuez furtivement l’un d’entre eux, pendant le dialogue. L’autre compère ne sourcillera absolument pas et vous invitera presque à venir l’achever par derrière. Une IA aux ras des pâquerettes, certes, mais de manière aléatoire. Lors de certaines phases de combats, les soldats sembleront lire dans vos pensées et anticiperont la moindre de vos actions avec un temps d’avance provoquant de manière répétée des séquences de « die and retry » assez frustrantes. Une intelligence artificielle plus équilibrée aurait été plus appréciée.
Craft moi si tu peux …
Parce que survivre dans une jungle hostile ne se limite pas seulement à buter à tout va tout ce qui bouge, Lara saura vous faciliter la tâche et développer certaines compétences pour se fondre dans son environnement. Des points de compétences viendront récompenser, au compte goutte, votre progression au fil du jeu et devront être utilisé à votre guise pour débloquer de nouveaux skills de chercheur, pilleur ou guerrier. En débloquant certaines d’entre elles, Lara pourra par exemple tuer deux voire trois ennemis avec une seule salve de flèches, avoir une vision d’aigle pour révéler avec son instinct de survie certains artefacts ou coffres à trésors. L’expérience cumulée au fil de l’aventure lui permettra également de déchiffrer certaines statues jusque là impossible à réaliser. Le crafting d’armes et divers objets est lui relativement classique. Des branches de bois pour fabriquer des flèches, certaines peaux d’animaux rares pour confectionner une nouvelle tenue … Lara se découvrira même certains talents d’herboriste et devra fabriquer ses propres mixtures à bases de plantes récoltées ici et là pour soigner les blessures affligées par ses ennemis ou la flore sauvage de la jungle.
Artistiquement surdouée
Le jeu a été testé sur une console PS4 Slim et un écran non 4K. Même sans avoir une configuration optimale, Shadow of The Tomb Raider est splendide et ça claque visuellement. Les studios canadiens d’EIDOS ont fait un énorme travail à ce niveau surtout lorsque l’on voit le niveau affiché par les gros titres de la concurrence. Dans un environnement global très sombre, les effets de lumières dans les temples mayas et la jungle sont très spectaculaires. Un véritable plaisir rétinien que de voir les rayons du soleil transperçant l’épaisse et dense végétation de la forêt ou le jeu de lumière des torches enflammées accrochées dans les couloirs étroits des sanctuaires pré-colombiens. Le rendu en milieu aquatique est également époustouflant de réalisme. Véritablement bluffé par un tel rendu graphique, dans des conditions techniques rudimentaires, je me suis posé la question pour savoir ce que donnerait le jeu sous une console plus évoluée avec une dalle en 4K … hé bien le constat est relativement simple: Shadow of The Tomb Raider est tout simplement le plus beau jeu qu’il m’ait été donné de voir à ce jour. Le rendu graphique (textures ultra-détaillées, lumières et effets d’ombres dégradées en fonction de l’angle de caméra choisi) y est tout simplement hallucinant, décuplant un plaisir qui était déjà présent avant ce passage en UHD. Côté animation, le résultat est tout à fait correct, même si le jeu souffre de quelques bugs de collisions répétées, assez frustrant en zone de combat et lors des phases plus techniques pour s’agripper au piolet à certaines zones rocheuses et accéder aux plateformes supérieures par exemple. Lors des scènes cinématiques, une désynchronisation labiale est également à noter au cours de dialogues entre personnages. Un petit bémol qui se fait moins sentir si le jeu tourne en VO. La faute à une VF, plutôt fade et sans saveur. Et pour cause, Lara a entre temps perdu sa voix originale française jouée par Alice David dans les deux premiers épisodes du reboot de la série, au profit d’Anna Sigalevitch (également la voix d’Alice Vikander dans le dernier film Tomb Raider). Le résultat final n’est pas vraiment convaincant. L’ambiance sonore du jeu, qui est presque aussi importante que l’aspect graphique à titre personnel, est en revanche beaucoup plus réussie et on ne peut que saluer le travail monstrueux effectué par l’équipe en charge. Pouvoir entendre la peur. Je pense que c’est clairement le thème principal qui découle de cette ambiance sonore. Ce que les sound-designer ont voulu partager avec le joueur. Il n’y a qu’à écouter le soundtrack original du jeu pour s’en rendre compte. D’ailleurs au cours du jeu, il sera très difficile de différencier une musique ou une ambiance sonore qui semble se fondre intégralement dans cet environnement.
Quant au level design des niveaux, il a été pensé pour un jeu plus orienté vers l’observation de son environnement, et son exploration. Comme cité précédemment c’est un véritable retour aux sources de Tomb Raider et ce qui en a fait son succès. Les énigmes et mécanismes des tombeaux nécessiteront une certaine analyse de ce qui gravite autour de vous. Pas de quoi bloquer sur un niveau pendant des heures, mais toutefois assez corsées pour éviter de tomber dans un ennui profond. Et c’est un vrai plus car, inévitablement, une mort certaine vous y attendra si vous décidez de foncer tête baissée sans élaborer un petit plan avant de vous lancer.
New Game +
L’une des nouveautés de Shadow of The Tomb Raider réside dans son mode New Game +. En quoi consiste t-il exactement? Une fois le jeu terminé, vous aurez la possibilité de refaire l’intégralité de l’aventure avec comme bonus, l’ensemble des équipements, armes, points de compétences que vous aurez obtenu durant votre premier run, et ce dès le début du jeu. Vous aurez également la possibilité de refaire le jeu, via différentes voies, en fonction du style que vous souhaitez donner à votre aventure.
- La voie du Serpent est dédiée aux joueurs souhaitant privilégier l’infiltration et la furtivité en boostant la compétence Pilleur.
- La voie du Jaguar est dédiée aux joueurs souhaitant privilégier la chasse et les attaques frontales en boostant la compétence Guerrier.
- La voie de l’Aigle est dédiée aux joueurs souhaitant privilégier l’observation et la tactique en boostant la compétence Chercheur.
En fonction du style adopté, les compétences de Lara se verront considérablement améliorées par rapport aux autres.